« Supprime les sorcières à Ellezelles, c’est la révolution » Cheveux gris ébouriffés, nez crochu et gros bouton d’où jaillit un long poil, chaudron rempli de bave de crapaud… voici comment sont encore représentées, dans l’imagerie populaire, sur leurs ramons volants, les «affreuses» sorcières, ces femmes accusées de tous les maux, il y a trois ou quatre siècles, torturées et qui ont fini, pour pas mal d’entre elles, sur le bûcher. On est loin de la sensualité dégagée par la jolie sauvageonne Quintine de la Glisserie, («d’une grande beauté avec ses yeux vairons») qui fascine les hommes dans le dernier ouvrage de l’auteur frasnoise Michelle Fourez paru aux éditions Audace.
Un récit librement inspiré des faits historiques: à Ellezelles, le 26 octobre 1610, on a brûlé cinq soi-disant sorcières, dont Quintine, 38 ans. Le hasard a voulu que, dans le même temps, l’écrivain-photographe montois Charles Henneghien, un passionné de folklore originaire de… Frasnes, lance une pétition «pour la réhabilitation de Marguerite Tiste et autres victimes de procès pour sorcellerie à Mons au XVIIe siècle». Les signataires sollicitent de la Ville «une procédure de réhabilitation de Marguerite Tiste et autres victimes des procès pour sorcellerie instruits par les magistrats montois au XVIIe siècle. Cette réhabilitation pourrait être, dans le cadre de Mons 2015, une puissante démonstration de notre capacité à reconnaître nos barbaries passées, alors que l’obscurantisme renaît en divers coins de notre monde actuel.
De plus, ajoutent-ils, l’initiative de Capitale européenne de la Culture en 2015, pourrait inspirer des démarches similaires en d’autres villes du Hainaut et par-delà… Après s’être rencontrés à Tournai la Page, les deux auteurs ont participé à Mon’s Livre à un débat sur le thème des procès de sorcellerie.
Dans la foulée, Michelle Fourez suggère au député provincial Serge Hustache de réhabiliter également les chorchîles dans le «Village élu du folklore». Précisons que l’initiateur du Sabbat, le regretté Jacques Vandewattyne, avait lui-même réfléchi à la question: «pris de remords», il avait «mauvaise conscience».
En juillet 1991, après la vingtième édition de cette manifestation très populaire, il nous confiait que le sabbat, sous sa forme de «chasse aux sorcières», avait vécu: plus jamais, elles ne seraient brûlées sur la buttede la place à l’Aulnoit.
Après la disparition de Watkyne, ses successeurs ont continué à suivre la consigne. La «fête» se termine par ces mots de Bernard Leleux: «Plus de quatre siècles plus tard, je déclare innocentes ces cinq prétendues sorcières des faits qui leur ont été injustement reprochés». Et sur l’affiche du Sabbat 2014, la vieille mégère avait par ailleurs fait place à une ensorceleuse beaucoup plus «accorte».
Charles Henneghien ne souhaite pas voir disparaître ces manifestations «qui ont un caractère festif parfois sympathique», mais il serait bon, dit-il, «que les organisateurs gomment les aspects souvent carrément sadiques de ces mises en scène».
Pour Michelle Fourez (qui lors du dernier sabbat, avait manifesté pacifiquement avec des amies «sorcières», joyeuses et colorées), il reste beaucoup à faire, notamment sur le plan de la représentation. L’écrivain pense aux masques hideux des macrâles ou à la mosaïculture devant l’église d’Ellezelles…
D’autres se demanderont s’il faut aller aussi loin? Placer un appareil dentaire à Dracula, fournir un spray au poivre au Petit Chaperon rouge? La question est posée…
Après l’Allemagne, la Suisse, la Norvège et la Flandre ?
En Europe, plusieurs initiatives de révision de «?ces mascarades judiciaires? » et de réhabilitation des victimes se sont multipliées ces dernières années : après la Suisse, avec Anna Göldi, «?la dernière sorcière d’Europe?», en 2007, puis Valloe (Norvège) en 2011, 37 prétendues sorcières exécutées en 1627 en Allemagne ont été réhabilitées en 2012. La ville flamande de Nieuport a suivi l’exemple à peu près en même temps, réhabilitant dix-sept résidents locaux (quinze femmes et deux hommes, tous accusés de sorcellerie), brûlés vifs sur le bûcher au 17e? siècle : une stèle à l’hôtel de ville énumère les noms des victimes de cette erreur judiciaire.
Reportage de Notélé sur le sabbat des sorcières 2015
Cela fait tout juste 405 ans qu’à Ellezelles a eu lieu le procès des sorcières. Quelques siècles après, plus de sorcellerie mais juste une fête populaire chère au coeur des habitants du Pays des Collines.
http://www.notele.be/list80-les-reportages-de-notele-sur-l-entite-d-ellezelles-media36897-sabbat-des-sorcieres.html