Le TTIP
Est un vaste accord de partenariat entre les deux premières économies mondiales que sont les USA et l’UE. Cet accord concerne à la fois les barrières douanières, lesquelles sont toutefois déjà proches de zéro entre les deux régions et les « barrières non tarifaires », c’est-à-dire, les régulations qui constituent des entraves au commerce. Cela touche aux différences de normes, à la protection des investissements, aux marchés publics…
Pourquoi l’UE souhaite-t-elle conclure un TTIP ?
Plusieurs raisons pourraient expliquer la volonté de l’Union européenne de conclure un partenariat commercial avec les Etats-Unis.
Des raisons géopolitiques d’abord, l’UE est de plus en plus marginalisée sur la scène internationale face à la montée des pays émergents, à son incapacité à parler d’une seule voix sur la scène internationale, à la crise économique et financière interne, et cherche à réaffirmer sa proximité avec les USA. Il y a par ailleurs la volonté de « reprendre la main » devant le blocage de l’OMC et les difficiles négociations bilatérales avec les pays émergents. L’Union est également, dans un contexte de crise financière, à la recherche désespérée d’une relance économique. Enfin, d’un point de vue idéologique, un tel traité s’inscrit dans la continuité de la politique européenne de libéralisation et de réduction du rôle de l’Etat. Politique qui nous a poussé à la situation actuelle mais dont la remise en question risque d’être tellement fondamentale que certains préfèrent la fuite en avant.
Devons-nous craindre le TTIP ?
·Pour la démocratie et la souveraineté
La question démocratique est depuis le départ au cœur des débats sur le TTIP. Le mandat donné à la Commission est longtemps resté secret, face à la pression populaire, la Commission l’a finalement déclassifié le 9 octobre 2014. Ce dernier comprend une clause « investisseurs-Etats » (ISDS) qui permettrait à un investisseur d’attaquer une décision dont il estime qu’elle le lèse économiquement. Même si le mandat prévoit une série de clauses limitant l’impact de cette mesure, il s’agit d’une remise en cause fondamentale des compétences du pouvoir judiciaire interne aux Etats, un des garants de la démocratie. Dans ce cas, une entreprise pour attaquer un Etat, une région, une commune si elle estime ses intérêts lésés. Se pose aussi la question du Tribunal qui serait compétent, et des bases légales sur lesquelles reposeraient les jugements…
Un Conseil de coopération en matière de régulation serait mis en place, il s’agirait d’un groupe de représentants non élus des deux régions qui pourrait se mettre d’accord avant tout projet de loi pour s’assurer qu’il ne contrevient pas au traité. Ici encore se pose la question de la légitimité des décisions émanant d’instances non élues, non démocratiques – et partant de la légitimité des instances démocratiques dont les décisions pourraient être mises en cause… - et du rôle de la justice, notamment sur le plan national si des tribunaux privés devaient voir le jour.
Par ailleurs, une série de règles sont déjà votées ou bloquées pour montrer patte blanche au partenaire US, comme par exemple l’autorisation du bœuf à l’acide lactique (2013), l’assouplissement des normes OGM, etc.
Enfin, si la démocratie européenne est imparfaite, la démocratie transatlantique est inexistante. Il n’existe en effet aucune instance démocratique, élue, qui édicterait des normes transatlantiques… l’« harmonisation transatlantique » des règles protectrices risque donc bien de se faire « vers le bas ».
·Pour le modèle alimentaire
Une série de choses sont communément admises au sein du système agro-alimentaire US. Les OGM, le clonage, les hormones de croissance, les régulations chimiques (pesticides, engrais, désinfectants (poulet à la javel, porc à l’acide lactique. L’UE interdit 1328 produits chimiques, les USA 11…), les antibiotiques dont la ractopramine (interdite dans 150 pays), des sous-produits comme les farines animales, les normes de bien-être animal (nombre/m² ; maladies tolérées), les appellations d’origine contrôlée… Et un danger sur notre capacité à réguler les nouveaux dangers identifiés comme les acides gras-trans, les perturbateurs endocriniens, etc.
Côté européen, aucun danger que tout cela se retrouve dans le TTIP selon Karel De Gucht. Côté américain, conditions sine qua non à la négociation. En effet, pour Tom Vilsack, le Secrétaire US à l’agriculture : « Il n’y aura pas d’accord de commerce avec les Européens si Bruxelles n’accepte pas de discuter sérieusement le commerce du bœuf, de même que d’autres questions difficiles telles que la production basée sur les technologies et les appellations d’origine contrôlée »[1].
Que restera-t-il du principe de précaution des Européens si celui-ci est vu comme « barrière non tarifaire » ?
·Pour l’environnement
Prenons un exemple, celui du gaz de schiste. Le débat autour de son exploitation n’est pas tranché en Europe. Par contre un des objectifs du traité est bien de permettre l’importation du gaz de schiste américain, gaz exploité malgré les risques environnementaux et les nombreux doutes sur les réelles potentialités positives de ce combustible. L’Europe n’a-t-elle pas intérêt à investir dans le renouvelable de manière à diminuer progressivement sa dépendance énergétique plutôt que de se rendre dépendante, après la Russie pour le gaz conventionnel, des US ?
« Les retombées du TTIP seront importantes »
La Commission européenne met sans cesse en évidence une série d’études pour montrer que le TTIP va apporter d’importants bénéfices à l’économie européenne.
Que disent ces études ?
4 études sont souvent mises en évidence, réalisées respectivement par Ecorys (2009) (boîte de recherche et consultance européenne), CEPR (2013) (centre for economic policy research) et CEPII (centre de recherche français dans le domaine de l’économie internationale) et Bertelsmann. Elles annoncent un bénéfice de 119 Milliards d’euros par an à l’horizon 2025, soit 545 €/ménage/an ou 0.60 €/personne/jour. Toutes ces études se basent sur le même modèle : d'équilibre général calculable (WB). Or ce modèle ne tient pas compte du processus d’adaptation entre les deux moments d’équilibre, ni de la distribution des pertes et profits et de leur impact sur les exportations, la croissance et l’emploi.
Une autre étude, menée par chercheur de la Tufts University, a été publiée en octobre dernier. Elle est basée sur le Global Policy Model des Nations Unies. Elle annonce une baisse des exportations, une diminution de la croissance allant de 0,3% à 0,5% du PIB selon les zones, une perte annuelle de revenus de 3.400 à 5.550 € par travailleur, la suppression de près de 600.000 emplois, des pertes fiscales allant jusqu’à 0.64% du PIB, etc.
Les pays du nord et de l’ouest de l’Europe, parmi lesquels la Belgique, seraient d’ailleurs les plus sévèrement touchés par la plupart de ces impacts négatifs. Notamment parce que l’Europe sera en position de faiblesse dans cette négociation, à 28 Etats face à une administration fédérale américaine forte et imposant à ses Etats membres des mesures de contrainte budgétaire (TSCG) qui empêcheront ces derniers de prendre les mesures d’ajustement nécessaires.
A quelles conditions le TTIP pourrait-il être bénéfique pour l’UE et pour le reste du monde ?
Il serait bénéfique s’il entraînait une amélioration générale des normes sociales, environnementales, sanitaires, dans un objectif de développement humain et durable… ce qui est à ce stade des négociations de l’ordre de l’impossible.
Il le serait également si les avantages en matière de bien-être compensaient de façon forte les concessions qui sont faites sur les normes… ainsi peut-on de poser la question de savoir à quel prix nous sommes prêts à brader notre souveraineté, la démocratie, les normes sociales et environnementales… pour conclure un accord dont les retombées sont plus qu’hypothétiques ?
Que pouvons-nous encore faire ?
-
Signer la pétition : https://www.collectifstoptafta.org/agir/article/signez-l-ice-auto-organisee
-
Participer aux mobilisations (renseignements sur les pages facebook ou site web ci-dessous)
-
Une fois les négociations terminées, n’oublions pas que le Parlement européen et les parlements nationaux, en principe (traité mixte), seront amenés à ratifier le traité. Dans ce cas, s’agissant de la Belgique, tous les parlements voteront (ou non) le texte. D’autres dossiers ont montré que l’opinion publique peut faire changer d’avis les parlementaires et obtenir gain de cause…
Sources principales : CNCD 11.11.11 – Nicolas Van Nuffel, responsable du département plaidoyer
Collectif Stop TAFTA (https://www.collectifstoptafta.org)
Commission européenne (http://ec.europa.eu/trade/policy/in-focus/ttip/)
[1] Washington Trade Daily, 21/02/2014