Jean Pierre ROMAN, après avoir remercié le club de son intervention financière, qui a permis de restaurer le baldaquin en palissandre de la procession de Flobecq, évoque l’histoire de la procession et du Saint Christophe de Flobecq.
Il abordera aussi la présence de Saint Christophe au cortège d’Ath.
Pierre PAPLEUX chargé de le remercier va replacer le géant à échasse dans le phénomène européen des géants processionnels qui a été reconnu patrimoine immatériel de l’UNESCO. Il ne pourra pas non plus s’empêcher de rebondir sur la présence du Saint Christophe au cortège d’ATH.
Le présent résumé reprend à la fois l’exposé de Jean Pierre ROMAN et celui de Pierre PAPLEUX qui se retrouvent dans la même passion pour les traditions séculaires de notre terroir.
LA PROCESSION SAINT-CHRISTOPHE DE FLOBECQ
Dans l’Eglise Saint-Luc à Flobecq, il existe un autel dédié à Saint-Christophe, surmonté de la chasse du même saint (15ème-16ème siècle) en argent et vermeil sur âme de bois, restaurée en 1931 et une statue de Saint Christophe (14ème siècle?) de 3,3 m de haut, en châtaignier polychromé. (Pierre MALENGRAU Le patrimoine de Flobecq, Illustra, Izegem, 1996 p.689 – 700)
Les reliques du Saint furent offertes à l'Eglise de Flobecq en 1260 par la Comtesse de Hainaut et de Flandre, Marguerite de Constantinople.
Il existerait des reliques de Saint Christophe à Tolède, Valence, Saint-Jacques de Compostelle, Astorga, Rome et à Saint-Denis (Paris)
Saint Christophe, le passeur de l'eau et sa légende.
Saint Christophe serait né en 193 au pays de Chanaan. Il était de taille gigantesque. Entré dans la vie militaire, il se convertit au christianisme sous le nom de Christophe (Porteur du Christ). Il est baptisé à Antioche et va vivre dans une caverne retirée à proximité d'un torrent. En 250, il est victime de la persécution de l'empereur DECE, il eut à subir de nombreux et horribles tourments.
C'est le 25 juillet 254 qu'il fut condamné en LYCIE (Asie Mineure) à être décapité, après avoir guéri et converti plusieurs de ses bourreaux.
La légende (XIII s) en fait un géant qui veut servir le plus puissant des maîtres.
Christophe était un géant (sa taille atteignait les 9 mètres !!!). Il voulut connaître le prince le plus puissant de la terre pour se mettre à son service. Le premier était terrorisé par Satan, aussi Christophe se mit au service de ce dernier jusqu'à ce qu'il comprenne que le diable lui-même avait peur de la vue d'une croix. Il quitta donc son service. Après une période d'errance, il rencontra un ermite qui le convertit et lui proposa un emploi de passeur sur un torrent impétueux. Alors qu'il accomplissait sa tâche, un enfant arrive qui sollicite le passage, il le charge sur ses épaules et commence à le transporter de l'autre côté du courant. Plus il avance, plus l'enfant s'alourdit, Christophe ploie sous la charge "je croyais porter le monde entier" dit-il à l'enfant parvenu de l'autre côté, et l’enfant lui répondit : « Ne t'en étonne pas, Christophe, tu n'as pas eu seulement tout le monde sur toi, mais tu as porté sur les épaules celui qui a créé le monde : car je suis le Christ ton roi, auquel tu as en cela rendu service ; et pour te prouver que je dis la vérité, quand tu seras repassé, enfonce ton bâton en terre vis-à-vis de ta petite maison, et le matin tu verras qu'il a fleuri et porté des fruits ».
L’enfant disparut miraculeusement. Christophe fit ainsi que l’enfant le lui avait dit et trouva le matin des feuilles et des dattes sur le bâton.
Conformément à la légende, Christophe est traditionnellement représenté avec une belle figure, une longue barbe frisée. Au milieu d'une eau sauvage, il se tient la tête penchée et tient dans la main gauche la jambe de l'enfant divin tandis que la droite s'appuie sur un bâton ou un palmier en fleurs.
Son culte se répandit dès le Vème s, dans toute la chrétienté, et au Moyen Age, on pensait qu’il suffisait de regarder même de loin son image pour être préservé des accidents les plus graves durant toute la journée. Protecteur des voyageurs, (à pied, à cheval et en voiture), on l’invoquait autrefois pour des affections concernant le passage (coliques, accouchement) comme contre les orages, la grêle, les maux de dents etc. Aujourd’hui son culte a repris vigueur auprès des automobilistes qui placent sa médaille dans leur voiture et qui vont en pèlerinage par exemple à CELLES, TERTRE ou WASMES-BRIFFOEIL (deuxième dimanche de juin) :
"REGARDE SAINT CHRISTOPHE ET VA-T’EN RASSURE ...
On le vénère surtout le 25 juillet.
La châsse de Saint Christophe
Châsse gothique (15ème-16ème siècle restauré en 1931) en argent partiellement doré, sur âme de bois de chêne. (57,5 cm sur 38, 5 cm).
C’est une œuvre en forme d’Eglise, posée sur 4 lions de Bronze. Aux deux extrémités de la châsse, on découvre deux représentations de Saint Christophe avec l’enfant Jésus sur les épaules. Aidé de son bâton, il traverse le fleuve. Sur chacune des deux longues faces, des scènes représentant le martyr de Saint christophe et notamment le Saint-Martyr debout percé de flèches et la décapitation
Le géant processionnel sur échasse
Pratiquement partout le saint Christophe est un des premiers géants processionnels à être historiquement attesté. Il sort à Anvers en 1398, à Louvain en 1401, à Bois-le-Duc et à Bergen-op-Zoom en 1413, à Namur en 1455, à ATH en 1461, à Barcelone en 1424 et dans la ville allemande de Künzelsau en 1479...
La plupart des Saint Christophe marchant dans nos processions et pour lesquels on dispose de renseignements suffisants sont montés sur échasse. Il s'agit là d'une différence essentielle avec les autres géants processionnels apparus à la même époque (Goliath, Cheval Bayard etc)
Si nous sortons de nos provinces, toutes les représentations de Saint-Christophe ne sont plus des figurants sur échasse. A Aix-en-Provence, à la procession de la Fête-Dieu, instituée au XVème siècle, c'était un colosse , composé de cercles de bois, drapé dans une robe blanche et les bras en croix, un Enfant Jésus sur l'épaule droite. A Salisbury (1496), c’est un géant noir de plus de 6 mètres de haut et à Roermond (1600) un mannequin d’osier à tête sculptée vêtu d’une robe de coton pourpre.
A Flobecq, dans la procession, c’est un homme sur échasses qui le représente sans doute depuis le XVIIIème siècle. Aujourd’hui, il apparaît vêtu d’une longue tunique et d’une cape de couleur grenat et frangées d’or. Il porte perruque et une barbe épaisse. Sur ses épaules, il tient une petite statue de l ‘enfant bénissant. Son bâton est orné en son sommet de quelques fleurs. Deux aides l’accompagnent.
Saint Christophe et le cortège d’Ath
La première mention de Saint Christophe, dans la procession d’Ath, se trouve dans les comptes de la mambournie (sorte de fabrique d’Eglise) de Saint Julien de 1461-1462 (année de la création du Cheval Bayard) on y lit « de même à un grand homme soyeur pour avoir porté Saint christophe : un sou » Il est peu probable que nous soyons en présence d’un géant car le salaire du porteur est de moitié celui d’un porteur du cheval Bayard et pour porter un géant il faut plusieurs porteurs. Peut-être s’agit-il déjà d’un géant sur échasse mais on aurait dû préciser pour avoir fait Saint Christophe . Il reste alors l’hypothèse d’une bannière.
Depuis cette date, plus aucune mention de Saint Christophe dans les comptes pendant plusieurs siècles.
Réapparition dans le programme de 1809. Là on distingue les mannequins dits « figures » de Samson, Tirant etc ... des statues ou bannières dont « l’image de Saint Christophe » à côté de celle de « Saint Antoine portée par deux Orphelins». En 1850, le Maréchal des logis de la gendarmerie de Flobecq annonce au Bourgmestre d’Ath que « la comique société de st Quertophe de cette localité fait ses préparatifs » pour participer au cortège tandis la confrérie Saint Pierre à Ellezelles annonce qu’elle est disposée à participer à la fête mais regrette qu’elle n’a pas été invitée comme le Saint Christophe de Flobecq.
Par contre, au milieu du XIXème siècle, on retrouve Saint Christophe sur échasses « homme à la barbe fleurie grimpé sur des échasses et recouvert d’un ample manteau rouge pour cacher les échasses que recouvrait un pantalon blanc. Il s’appuyait sur un bâton , portait un gros chapelet au cou et sur le dos, l’enfant, une poupée tenant un globe dans la main gauche et distribuant des bénédictions grâce à un jeu de ficelles. Une fillette vêtue de blanc suivait le saint et un dialogue (en patois) avait lieu entre Saint Christophe et l’enfant
Saint Christophe :
« L’enfant ! L’enfant ! Que tu pèses »
L’enfant :
« Tu ne sais pas ce que vous portez »
Saint Christophe :
« Qu’est-ce que je porte ? »
L’enfant
« Tu portes le monde »
Ce groupe était accompagné d’une confrérie de Flobecq avec des confrères de Wodecq, Ogy, Lahamaide, Oeudeghien et Ostiches
Chaque fois que le géant et l’enfant avaient terminé leur « boniment » , les confrères exécutaient un « lumechon » c-à-d ils mettaient tous les drapeaux en mouvement en les faisant voltiger au-dessus de leurs têtes. Et pour le folklore, Saint Christophe, décontenancé par la réponse de l’enfant buvait vite une petite goutte de genièvre que lui offrait la cantinière de la confrérie !
Le Saint Christophe disparaîtra une nouvelle fois et sera réintroduit par le groupe de Rénovation du cortège en 1978. A l'époque, c'était le saint Christophe de Flobecq qui se déplaçait à Ath (Famille BLOMMAERT). Depuis quelques années, une copie du Saint Christophe de Flobecq a été réalisée, le figurant est athois et l'ensemble du costume appartient à la Ville d'ATH.