Khadim Solangi Goth, dans la banlieue de Karachi (Pakistan), est l’un
des derniers réservoirs de polio sur la planète. Plus de 40.000 personnes y
survivent, pauvres parmi les plus pauvres, dans des habitations très précaires.
Parfois, un simple drap de coton constitue l’unique protection contre le soleil
brûlant ou les pluies de mousson. Ici, la polio se montre particulièrement
résistante. Mais depuis peu, la donne a changé. Grâce, entre autres, au Rotary…
Pourquoi
la polio continue-t-elle à prospérer dans cet endroit ? Principalement
pour deux raisons : les égouts à ciel ouvert (le poliovirus se transmet
par l’eau contaminée) et le faible taux de vaccination dans la région. Dans une
communauté où même les besoins fondamentaux ne sont pas satisfaits, les
habitants considèrent le vaccin comme une futilité. ‘Les refus ne sont pas
motivés par la religion mais bien par l’absence d’équipements de base’,
explique Aziz Memon, président de la commission PolioPlus Pakistan. ‘Les gens
nous disent : pourquoi revenez-vous sans cesse avec vos gouttes contre la
polio, au lieu de vous occuper de l’électricité, des routes, de l’eau
potable ?’
Pourtant, le
programme d’éradication a vu sa crédibilité renforcée ces dernières années, et
ce grâce à l’installation de stations de filtration d’eau à Karachi et dans
plusieurs autres régions, notamment à Khadim Solangi Goth. Cela fait partie
d’un vaste projet de l’IMEP* visant à construire 36 bâtisses de ce type à
travers le pays. Au Rotary, cette initiative s’est notamment traduite par un
partenariat avec Coca-Cola Pakistan et par des subventions mondiales de la
Fondation Rotary. D’autres constructions sont en cours ou en phase de
planification.
Une fois que la
communauté a accès à l’eau potable, les agents de santé sont bien mieux
accueillis et ont plus facilement accès aux enfants qui doivent être vaccinés.
À Khadim Solangi Goth, leur sécurité n’était pas garantie. Mais ils ont
persévéré, et les Rotariens locaux ont rencontré les femmes et les anciens afin
de déterminer leurs besoins les plus importants. L’eau potable étant une
priorité absolue pour les habitants, une station de filtration a été aménagée.
De plus, les Rotariens ont également assuré des formations sur la bonne
utilisation et l’entretien de l’équipement, sans oublier l’éducation à
l’hygiène et au lavage des mains. Ainsi, ils ont progressivement gagné le
respect de la population.
Ce travail
s’inscrit dans le cadre du nouveau plan stratégique de l’IMEP, lancé en juin
2021. L’un des objectifs est d’accélérer les progrès vers l’éradication de la
polio en y intégrant des éléments permettant de répondre à d’autres besoins de
base des populations. Rappelons que, dans le programme PolioPlus, il y a ce
fameux ‘plus’ qui symbolise la volonté d’apporter aux communautés d’autres
bienfaits que la vaccination : eau potable, traitements médicaux,
moustiquaires, savon… Dans le nord du Nigeria, par exemple, le Rotary et ses
partenaires ont financé plus de 30 puits fonctionnant à l’énergie solaire,
gagnant ainsi la confiance des habitants. La stratégie a fonctionné : le
Nigeria a signalé son dernier cas de polio en 2016, et l’OMS a déclaré la
région Afrique exempte de polio sauvage en 2020.
‘Au Pakistan,
les membres du Rotary assortissent leurs projets “eau” d’autres initiatives,
comme par exemple les “camps de santé” (aides médicales groupées), qui
renvoient un signal très positif aux familles’, estime Aziz Memon. ‘Cela
démontre que notre objectif principal n’est pas uniquement l’élimination de la
polio.’
DIANA
SCHOBERG / D.C.
* Initiative
Mondiale pour l’Éradication de la Poliomyélite