Il y a un an, même endroit, même époque, je rentrais en Belgique avec notre slogan "we are so close" gravé dans ma mémoire.
Aujourd'hui me voici de retour avec le slogan "drop to zero" à Delhi avec ses 26 millions d'habitants et la satisfaction que le nombre de cas de victimes de la polio soit passé en un an de 37 à 22 dans le monde mais conscient que le combat n'est pas encore gagné car le virus virulent fait des victimes au Congo, en Syrie et 17 autres pays sont à risque, aussi aux frontières de l'Europe.
Après un voyage sans encombre, nous quittons l'hôtel avec les petits yeux d'une courte nuit de trois heures mais néanmoins très motivés. Ce 26 janvier, "Republic Day", le chirurgien orthopédiste Mathew Varghese accueille la délégation forte de 42 membres des clubs rotariens "Benelux" au Sint Stephen's Hospital. Une opportunité et un privilège pour nous, car cet éminent spécialiste de la polio, humble et détendu par une activité moins fébrile en ce jour férié, peut prendre tout le temps de nous expliquer son combat journalier.
Dans les années 90, chaque année, plus de 50 000 enfants devenaient victimes de la polio; ce qui veut dire que pendant plus de 50 ans encore, un nombre incalculable et estimé aujourd'hui à plus de 3 millions d'indiens, stigmatisés par la maladie, contraints de boîter ou ramper, vivront en marge de la société. La plupart des hôpitaux gouvernementaux réservent leurs lits aux accidentés de la route et nous mesurons ici toute l'importance du travail de titan accompli par le docteur Varghese, nommé par Bill Gates dans son blog il y a quelques semaines "one of five heroes saving the world". Le docteur m'explique à l'aide de radios, en détail les différentes étapes de la longue période de réhabilitation de l'une de ses patientes. Seuls 8 lits sont occupés en cette période d'examens scolaires dans la salle réservée aux jeunes filles.
Parmi elles, Kiran Bhardway, 27 ans, post-graduée qui a passé 10 mois dans cette chambre pour des opérations de sa colonne vertébrale et de ses jambes. Elle nous fait découvrir ses tableaux qu'elle exposera bientôt dans une galerie d'art. C est aussi cela le travail du Dr Varghese, motiver ses patients à utiliser ces heures interminables d'immobilisation, parfois sous tendeurs, pour étudier ou créer ... et avec la satisfaction pour lui, un jour, de revoir ses patients lui venir annoncer avec un sourire qu'ils ont pu trouver du travail, se marier, avoir un enfant. Petit par sa taille mais grand dans son humanité, ce docteur.
Ces images aujourd'hui me font comprendre pourquoi un jour, un rotarien a lancé ce défi d'éradiquer la polio.
Sylvie et moi sommes prêts à rejoindre l'importante délégation de 130 coréens, la délégation japonaise, australienne, anglaise, japonaise et les 2 500 000 vaccinateurs sur le terrain. UNITY FOR DIVERSITY. We are people of action .
Jeudi 01/02/2018 03:43
NID 2018 vaccination dans les booth. End polio Now fait tourner la roue rotarienne entre les peuples.
Participer aux National Immunisations Days à New Delhi, c'est un des moyens pour se rendre compte que ni les montagnes, ni les océans arrêtent la roue rotarienne. Le magnifique "fellowship dinner" organisé la veille au soir par le RC Delhi South West s'est déroulé dans une ambiance délirante; un moment de partage musical,culturel et d'amitiés entre les rotariens coréens ,australiens , belges, japonais et indiens. Je n'aurais jamais imaginé avant de partir que j aurai dansé autour d une table avec nos amis coréens qui brandissaient fièrement nos couleurs nationales. Mais dès 8h30, les rotariens du RC Delhi Central arrivent à l'hotel pour nous dispatcher dans différentes équipes. Freddy du RC Westerlo, Gerda du RC Gent, Sylvie et moi partons avec la Présidente du club Delhi Central vers notre destination. Après avoir traversé un quartier à l'extérieur de New Delhi avec des immenses villas protégées par de hauts murs et des barbelés, notre véhicule abandonne la route pavée pour une route en terre dont les nids de poule obligent le bas de caise de notre voiture à se percuter contre les pierres et la route. C'est aussi cela l'Inde la promiscuité des contrastes. Des habitants fouillent la décharge locale en quête de quelques matières premières... nous nous approchons de notre destination . Le véhicule tente de progresser dans des ruelles bétonnées dans le quartier et nous arrivons à notre hub. Notre booth est un petit local où des socials workers accueillent de jeunes mamans pour les éduquer en matière d'hygiène, gestion de leur maternité et avec difficulté la gestion de leur planning familial.
Chaque jour plus de 76000 enfants naissent en Inde et cela sans compter les millions d'enfants dont la naissance n'a pas été déclarée. Cette évolution démocratique devrait situer l'Inde comme le pays le plus peuplé au monde vers 2025 , devant la Chine
Gerda s'installe sur l'unique chaise et commence les vaccinations. Nous avons un seul feutre pour colorier les doigts vaccinés. Apparemment le booth n'attend pas une grande affluence. Gerda distribue ses biscuits et Sylvie et moi remettons nos ballons enmenés. Très vite le "TamTam local" fonctionne et les enfants par dizaines arrivent au booth pour être vaccinés. Je m'agenouille pour pouvoir distribuer les two drops aux enfants. Subra ,urologue et aussi rotarien, nous rejoint. Pour terminer cette journée de vaccination Manju dont l'époux est un éminent cardiologue , rotarien, et ayant reçu une prestigieuse distinction présidentielle nous accueille chez elle .
Manju nous présente son action "Gift for a life". Environ 1 % des enfants naissent avec une insuffisance cardiaque. Ce programme qui rassemblent 205 clubs rotariens a permis de soigner 27 600 enfants dans 78 pays et dans 5 continents dans le monde. Nous rejoignons ensuite son club où nous faisons la connaissance des autres membres et partageons le repas avec eux. Manju vient souvent pour des congrès avec son époux en Europe. Je fais également la connaissance d'un rotarien indien dont les enfants habitent en Belgique. Nous échangeons sur les Yep et il m'explique qu'à ce jour, les échanges ont principalement lieu avec l'Australie. Avec son évolution démographique et dont la moitié de la population a moins de 25 ans , l' Inde bénéficie d'un potentiel de croissance extraordinaire. Le gouvernement en est bien conscient mais le défi reste énorme. Il s'agit aussi d'une véritable bombe sociale qui pourrait exploser si dans le futur la moitié de la population qui a moins de 25 ans aujourd'hui n'a pas de perspectives en matière d'éducation (le taux d'alphabétisation est de l'ordre de 60 % pour les groupes défavorisés et chez les femmes) . La moitié de la population en Inde vit avec moins de 2Usd par jour . Seulement 29 % des femmes travaillent. Ces grands déséquilibres entre l'accès au travail qualifié et l éducation pourraient finalement fragiliser cette démocratie.
Je vais me coucher , fatigué et satisfait de cette belle journée. Je ne trouverai néanmoins pas le sommeil. Est-ce prémonitoire par rapport à la misère que je vais voir le lendemain?
À nouveau ce sourire partagé par les habitants et les enfants
jeudi 01/02/2018 20:12
NID 2018 : Vaccination POLIO door to door dans le bidonville d'Inderlock New Delhi : courage ou dignité ?
Sous l'oeil attentif de notre teamleader, PDG Emma Groenen (RC Zonhoven) que l'on ne pourra jamais assez remercier pour nous donner l'opportunité de vivre cette expérience humaine et rotarienne, la journée "Door to door" s'organise. Répartis en 10 équipes , les rotariens accompagnent les " social workers " issues du bidonville d'Inderlock. On aurait pu l'appeler "Indi Lock" , une prison pour des hommes , femmes et enfants dont les portes qui ouvrent la voie vers des conditions de vie, d'habitation , d'hygiène décentes se sont refermées sur eux. Pour seuls murs d'enceintes, une voie ferrée et de l'autre coté un dépotoir. Nous accompagnons Aradhiya à l'intérieur du bidonville. À chaque habitation où il y a des enfants répertoriés comme non-vacciné, elle vérifie s'ils sont présents. Parfois, Aradhiya tente de convaincre les mamans musulmanes de l'importance de la vaccination contre la polio. Ce qui est néanmoins rassurant, c'est que de nombreux enfants sont déja vaccinés. Au fur et à mesure que nous progressons, les enfants nous accompagnent. Les toits de tôles ondulées et les minuscules habitations en briques laissent la place à des abris faits de bois et de plastiques de récupération. Un train de passagers s'arrête à proximité une dizaine de minutes, le temps pour les hommes et femmes de se glisser sous les wagons et les billes de chemin de fer faire office de toilette. Le convoi repart et le déplacement d'air, tel un brouillard vient recouvrir dans les moindres recoins les proximités d'une odeur pestinentielle. Des adultes trient et rassemblent le papier, plastiques et cartons récupérés dans les décharges. Des enfants d'environ six ans plient des minuscules plaques métalliques puis un autre martèle les pièces pour en faire des clips. Pendant que nous progressons d'un pas accéléré dans ce dédale perdu par l'humanité, j'essaie d'échanger avec Aradhiya qui ne parle que l'hindi, langue officielle du pays et utilisée par 41% de la population.l'anglais est la seconde langue dans cet immense pays qui en compte 234. La confiance s'installe et elle me remet un flacon de vaccin.
Nous approchons à nouveau d'une voie ferrée et les enfants nous rejoignent attirés par les ballons que j'avais emmené. La difficulté dans cette situation c'est de garder le contrôle. Aussi j'en remet une poignée à une jeune fille d'une quinzaine d'année qui les distribue pour moi. Elle ne garde rien pour elle et je lui remet une deuxième poignée de ballons qui font la joie des enfants. Jean-Pierre, PP du RC Jodoigne et son épouse Josiane attire notre attention sur un enfant d' environ 3 ans . Son papa le savonne énergiquement. Malheureusement, l'enfant à deux pieds bots. Quel est son avenir dans cet environnement ? Peut-on rester indifférent et repartir sans tenter de faire quelque chose ? Sur ces quelques km2, nous retrouvons les 6 axes du Rotary. Nous repartons tous très émus par ce que nous avons vu et surtout par tout ce que nous avons reçu en retour. Le sourire de ces inconnus , enfants et adultes. Pour répondre à la question s'il faut du courage pour vivre des ces conditions inhumaines? Je citerai Boualem Sansal. Le courage est une flamme qui peut pâlir et s'éteindre et vous manquer au moment le plus crucial. C'est une folie, une exaltation passagère. Enfants et parents d Inderlock, vous avez quelque chose de plus fort, de plus vrai, c'est la vie menacée par la ruine, la souillure qui va puiser dans les profondeurs de l'âme ce qui est la substance même : la dignité. Oui, vous avez à Inderlock deux valeurs inestimables : la dignité et votre sourire partagé.
Vous, comme tant d'autres, êtes les moteurs et notre énergie de ce que nous sommes, nous les rotariens, people or action! Polio : drop to zero