Extrait d’une communication du Ministre de la justice Koen Geens (24/1/2018)
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Notre droit des sociétés fait l’objet d’une réforme approfondie.
Elle est due principalement à la rapidité d’évolution de la réalité économique. Depuis un certain temps déjà, notre droit des sociétés ne répond plus aux besoins des entreprises.
En outre, il est trop complexe. Il existe actuellement une kyrielle de formes de société. Certaines d’entre elles sont à peine utilisées
Enfin, les modifications qui ont été apportées au fil des ans au Code des sociétés n’ont pas toujours été synonymes d’améliorations.
Le futur droit des sociétés et des associations sera simple et limpide, grâce à plusieurs actions.
Avant tout, la distinction entre les actes civils et les actes commerciaux est supprimée. Cette distinction disparaitra par l’introduction d’une nouvelle notion d’entreprise dans le Code de droit économique. En outre, le droit des associations sans but lucratif est intégré avec le droit des sociétés dans un nouveau Code des sociétés et des associations.
A l’avenir, il ne sera plus fait de distinction entre les sociétés, les associations et les fondations en ce qui concerne les activités autorisées. Désormais, les associations et les fondations deviennent des entreprises et pourront, si elles le souhaitent, exercer des activités lucratives, à l’instar des sociétés. Contrairement aux sociétés, où l’enrichissement des sociétaires reste le leitmotiv, les associations et les fondations seront constamment soumises à une interdiction formelle de distribution de bénéfices : elles doivent réserver leurs gains pour leur finalité désintéressée, sans possibilité de distribution. Le critère qui permet clairement de faire la distinction entre les sociétés et les associations est donc l’interdiction de distribution.
Quel changement pour l’ASBL ?
L’ASBL pourra exercer des activités lucratives contrairement à aujourd'hui, étant entendu que les revenus qu’elle génère grâce à ces activités ne peuvent en aucun cas être distribués. Ce n’est pas le cas de la société, où les revenus doivent être distribués.
A l’avenir, les ASBL deviendront des entreprises. L’objectif est de donner une large interprétation à la notion d’entreprise, de sorte que l’ensemble des acteurs actifs sur le plan économique, parmi lesquels les ASBL, soient couverts. Excepté le label « entreprise », cela ne change rien dans les faits aux obligations des ASBL, car tant l’obligation d’enregistrement à la BCE que l’obligation de tenir une comptabilité, à savoir deux effets de l’entreprise, sont déjà des obligations existantes pour les ASBL. Maintenant que les ASBL sont des entreprises, elles pourront en revanche jouir du droit à l’insolvabilité, du droit à la preuve d’entreprise et pourront être jugées par le tribunal de l’entreprise.
La définition même d'une association est également modifiée. Cette définition a été élaborée en étroite concertation avec le secteur et est rédigée comme suit : « Une association est constituée par une convention entre deux ou plusieurs personnes, dénommées membres. Elle poursuit un but désintéressé dans le cadre de l’exercice d’une ou plusieurs activités déterminées qui constituent son objet. Elle ne peut, à peine de nullité, distribuer ou procurer directement ou indirectement un quelconque avantage patrimonial à ses fondateurs, ses membres, ou ses administrateurs ni à toute autre personne, sauf dans le but désintéressé déterminé par les statut. Tout acte contraire à cette interdiction est nul ».
La définition comporte d’importants éléments :
Tout d’abord, il est souligné que l’association doit être constituée par deux personnes au moins et qu’elle poursuit une ou plusieurs activités déterminées dans un but désintéressé.
Selon le droit actuel, ce but peut être scientifique, culturel, social, humanitaire ou sportif. Il peut également toucher à la protection de l’environnement, comme à la défense des intérêts de consommateurs ou d’un secteur professionnel.
En outre, les associations pourront poursuivre, même à titre principal, des activités économiques de nature industrielle ou commerciale, ceci en vue de se procurer les ressources nécessaires à la réalisation de leur but désintéressé sans devoir recourir à des dons ou des subsides.
Sous cet angle, elle peuvent donc agir dans un « but lucratif », mais elles ne pourront en aucun cas distribuer leurs bénéfices à leurs membres ou à leurs dirigeants. Par conséquent, l’interdiction de distributions de bénéfices sera à l’avenir la principale distinction entre les associations et les sociétés.
Cette interdiction de distribution n’empêche cependant pas l’association d’utiliser son patrimoine et ses bénéfices pour les affecter à son objet et à son but désintéressé, notamment pour faire des dons ou des libéralités.
L’interdiction de distributions directes ou indirectes de bénéfices ou d’éléments de patrimoine n'implique pas que les membres d'une association ne puissent tirer aucun avantage de leur statut de membres. Mais ces avantages doivent se situer dans les limites d'une réalisation normale de l'objet et du but de l'association (il appartiendra alors, le cas échéant, aux juridictions de fond d'estimer si les transferts patrimoniaux se situent encore dans ces limites).
Quelques exemples :
- Une association sportive peut autoriser ses membres à utiliser gratuitement ou à prix de faveur les installations sportives dont elle est propriétaire
- Un théâtre amateur peut accorder à ses membres ou à des tiers un accès gratuit à des représentations
- Une association qui se consacre à dispenser des soins médicaux peut les prodiguer gratuitement à ses membres ou leur faire bénéficier d'une réduction, etc.
Contrairement au fait que les associations pourront à l’avenir exercer des activités lucratives, la réforme ne rompra pas avec le passé, concernant l'interdiction de distribution de bénéfices.
Enfin, j’aimerais à nouveau insister sur le fait que l’ASBL n’est pas concernée, uniquement par ces faits, par l’impôt des sociétés, même si elle peut à l’avenir exercer des activités économiques.
Actuellement, le fait de savoir si l’ASBL relève de la personnalité morale ou de l’impôt des sociétés est une question de fait. Dans la pratique, le fisc analysera la réalité économique et sur cette base, taxera l’ASBL sous le régime de l’impôt des personnes morales ou celui de l’impôt des sociétés. Le fait que l’ASBL puisse à l’avenir exercer des activités économiques de manière illimitée n’impactera pas l’évaluation menée par le fisc. En outre, et je le répète, une ASBL n’est pas obligée d’exercer des activités économiques et peut donc, comme c’est le cas actuellement, décider de ne pas exercer d’activités lucratives.