Un Belge sur deux victime psychologique du confinement Premiers résultats de l'étude de l'UCL et de l'Université d'Anvers

lundi 6 avril 2020

Le confinement a des effets palpables sur la propagation de l’épidémie. Et des effets surprenant sur la santé mentale. On compte trois fois plus de citoyens en mal-être psychologique.

Par Eric Burgraff Chef adjoint du service Société Le Soir 6/04/2020

On l’a dit et répété, le confinement actuel n’a rien d’un jeu. Parce que, c’est bien connu, les risques pour la santé physique sont réels, presque palpables dans les magasins, au parc du quartier, au coin de la rue. Parce qu’aussi, c’est moins connu, les risques pour la santé mentale sont eux aussi bien réels. Et mesurables ? C’est ce que tentent de faire des chercheurs de l’UCLouvain et de l’université d’Anvers. « Le confinement n’a rien anodin, il affectera le bien-être psychologique et social de la population », assurait, à l’heure où la Belgique fermait boutique, le professeur Vincent Lorant, responsable de l’Institut de recherche santé et société à l’UCLouvain. Pour en avoir le cœur net, avec des collègues néerlandophones, ils ont dès le début du confinement, lancé une enquête dans la population belge (www.uclouvain.be/covidetmoi). Quinze mille personnes y ont participé au cours de la première semaine de confinement. Dix mille autres ont fait de même dans les jours suivants. Le Soir vous livre, en primeur, l’analyse des premiers résultats… déjà édifiants.

1. Le mal-être touche un Belge sur deux

Pour mesurer l’effet du confinement sur la santé psychologique de la population, les chercheurs se sont basés sur l’outil GHQ-12 (un standard international pour mesurer la détresse psychologique). « Lorsqu’il produit son enquête quinquennale sur la santé des Belges, l’institut Sciensano utilise la même référence scientifique, ce qui nous permet d’établir d’intéressants points de comparaison », explique le professeur Lorant. Comparons donc. En temps normal (mesuré par l’enquête Sciensano de 2018), 18 % de la population déclarent être en situation de mal-être psychologique. Aujourd’hui (dans la première semaine de confinement en tout cas), ce niveau de mal-être a pratiquement triplé, il touche plus d’un Belge sur deux, 52 % exactement. De plus, il explose chez les personnes vivant de très près la maladie : il passe à 67 % lorsqu’un proche est atteint et, fort logiquement, à 73 % lorsque ce sont les répondants eux-mêmes qui sont touchés. « Ça démontre à tout le moins que cette période de suppression d’activités sociales, a des effets anxiogènes très importants », dit le professeur Lorant.

2. Les jeunes et biais de genre

Autre enseignement, l’impact psychologique négatif du confinement touche avant tout les plus jeunes. Dans la tranche d’âge 15-25 ans les deux tiers des répondants assurent ressentir un mal-être. Dans la génération suivante – les 25-34 ans – ils sont encore près de 60 % mais ce ressenti diminue progressivement avec l’âge pour ne plus toucher qu’une personne sur trois chez les plus de 65 ans. De plus, nos analyses montrent, qu’à tout âge, le stress du confinement touche davantage les hommes que les femmes. Avec ceci à relever : le différentiel de genre est plus important que lors de l’enquête santé nationale de 2018.

3. L’impact des réseaux sociaux

Ultime constat, le mal-être psychologique se renforce avec la baisse d’activité : ceux qui ont diminué les contacts avec leurs proches ou qui ont restreint leurs activités physiques ont 20 % de plus de chance de ressentir un mal-être psychologique. C’est encore plus marqué chez ceux qui fréquentent assidûment les réseaux sociaux. « Pour nous, c’est un grand paradoxe, puisqu’en période de confinement, l’usage des médias sociaux se renforce considérablement (95 % des répondants déclarent passer plus de temps sur les réseaux sociaux), et que les réseaux sociaux sont devenus le moyen principal de faire face à la diminution des contacts et au maintien des activités professionnelles. »

 

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Sentiment du mal être psychologique depuis le confinement