SORTIE DE CRISE: L’appel des Professeurs Colmant et Ugeux: “Il faut un gigantesque emprunt public”

jeudi 16 avril 2020

Vincent Slits La libre 16/04/2020

Lancer un gigantesque emprunt public en  Belgique  pour faire face  aux conséquences économiques mais aussi budgétaires de la crise du corona. Telle est l’idée lancée par deux personnalités éminentes du monde économique  et financier,  soit  Bruno  Colmant,  patron  de  la banque Degroof Petercam et professeur à l’UCL et l’ULB  et  membre de  l’Académie royale de   Belgique et Georges Ugeux, ancien vice-président de la Bourse de New York et professeur à la Columbia Law School.

Un recul du PIB de 6.9% en 2020

Dans une opinion que l’on peut lire en intégralité dans la section économique du site internet www.la-libre.be  dans sa partie Décideurs et chroniqueurs , ces deux personnalités partent d’abord d’un constat: la crise actuelle aura des conséquences désastreuses sur l’économie belge. Et jugent les mesures prises jusqu’ici par les autorités pour en atténuer le choc « totalement insuffisantes“. ’Le choc du Covid-19 sur une économie  sous  assistance respiratoire depuis 10 ans sera apocalyptique. Si l’on estime aujourd’hui que la chute du PIB pourrait atteindre 5 à 10 % , il est plausible qu’elle finisse par être doublée, d’autant plus que si le confinement d’une économie est instantané, la reprise de l’activité est graduelle, lente et subordonnée à des protocoles sanitaires encore flous », écrivent-ils.

Pas plus tard que ce mardi, le Fonds monétaire international (FMI) tablait sur un recul du produit intérieur brut (PIB) de la Belgique de 6,9% en 2020. Et on le sait, le dérapage de nos finances publiques sera cataclysmique. Selon les dernières projections  disponibles, notre pays devrait afficher à la fin de cette année un déficit de l’ordre de... 24 milliards d’euros, voire davantage encore si le confinement venait à être prolongé. Nous devrions en savoir plus ce mercredi ce mercredi mais cette piste d'une prolongation du confinement semble inévitable.

« En période de récession, un déficit budgétaire ne peut pas se financer par l'impôt, quelle que soit sa nature », poursuivent les deux experts. Car disent-ils, la seule manière de « dégripper l’économie”, c’est en stimulant la demande, et donc la consommation finale. ”Dans les prochains mois, le déficit budgétaire devrait donc être financé par l’emprunt public »

De 20 à 30 milIiards d’euros

Bruno Colmant et Georges Ugeux - qui estiment que le rachat accru par la Banque centrale européenne (BCE) d’emprunts publics sera insuffisant pour répondre aux besoins de financement de notre pays - plaident donc pour la mise en place d’un “emprunt public de grande envergure“. Et ils en chiffrent le montant : de 20 à  30 milliards d’euros.

Concrètement, celui-ci devrait, selon eux, être destiné aux particuliers et aux ASBL, d’une durée de 5 à 10 ans et structuré en plusieurs tranches, de maturités et de taux d'intérêt différents.

Pour attirer les investisseurs, toujours selon Bruno Colmant et Georges Ugeux, le rendement offert devrait être supérieur aux taux du marché, soit 1%. Et présenter plusieurs avantages fiscaux: exonération du précompte mobilier, des droits de donation et de succession. Si les deux personnalités y voient donc un intérêt évident pour les particuliers, ils pointent également tout le sens d’une telle démarche pour les finances de l’État: ‘Dans les périodes de tumultes financiers, il faut absolument qu’un État s'assure d’une base d'emprunt populaire et non dépendant d’un système bancaire »

Une démarche “citoyenne"

Bruno Colmant et Georges Ugeux précisent enfin qu’un tel emprunt ne serait pas une première dans notre pays. ‘Cette dynamique volontariste permettrait de gros financiers impactant gravement la collectivité. Le virus a accéléré ces problèmes et leur a donné une acuité qui nous impose de chercher et de mettre en place avec la même  célérité... des solutions extraordinaires à des  problèmes extraordinaires » concluent-ils.

Reste maintenant à savoir si ces deux personnalités auront ouvert le débat sur le sujet et si cet appel aura un écho dans la sphère gouvernementale...

 

Bruno COLMANT