EUROPA QUO VADIS ?
Vincent DE VISSCHER, ancien Ambassadeur - Chef de Délégation de l’Union Européenne, était l’invité du Rotary Club de Lessines ce lundi 7 mai 2018.
La construction européenne, sur les rails depuis plus de 60 ans, a connu bien des avancées mais aussi des échecs. Partant de l’idée originale des pères fondateurs, le conférencier posera ouvertement la question « Quelle vision et quels défis avons-nous à proposer à la jeune génération d’européens ? »
Après une analyse des succès et des échecs de la construction européenne qu’il a pu vivre tout au long de sa carrière de diplomate au service des Relations Extérieures de la Commission Européenne, le conférencier tentera de fournir certaines pistes pour le futur.
Une Europe à deux vitesses est incontournable si l’on veut sortir de l’immobilisme.
Les Etats Membres n’ont jamais été autant divisé : nationalisme, repli sur soi, envie de séparatisme, désir d’une Europe des régions ... Il faut recentrer l’Union Européenne sur un nouveau projet mobilisateur présentant une vision pour le XXIe siècle qui donnerait aux Etats Membres l’alternative de choisir entre une intégration renforcée ou une intégration progressive.
L’intégration renforcée impliquerait une Fédération Européenne d’Etats Membres avec mise en commun des tâches régaliennes sous un contrôle démocratique strict, ce qui nécessiterait des institutions plus fortes et plus efficaces grâce à la règle de la majorité qualifiée (et non plus celle de l’unanimité sclérosante), la transformation de la Commission en un véritable gouvernement Européen, et un Parlement Européen avec droit d’initiative, approuvant le budget avec contrôle démocratique.
Il conviendrait également de renforcer la Justice et les Affaires intérieures notamment par une politique européenne de migration qui viserait à harmoniser les politiques d’accueil, à prévenir les crises dans les pays d’origine, à aider les collectivités locales pour une intégration plus solidaire des migrants et enfin à mieux sécuriser nos frontières .
Une politique antiterrorisme commune serait aussi indispensable et imposerait notamment le partage du renseignement européen, la rationalisation des outils voire la création de la fonction de Procureur européen
Par contre l’intégration progressive concernerait des Etats qui décidant, à terme, de rejoindre la Fédération et sa vision renforcée ne disposeraient pas, dans un premier temps, de voix délibératives dans les décisions de l’UE. Dans ce cadre, il est aussi important d’ouvrir l’Europe avec des traités d’association particulièrement avec la Russie (Opportunité de soft power - manière douce) et de conclure des accords de libre-échange avec les pays tiers.
Sans armée crédible, l’UE reste un tigre de papier !
Il faut mettre en place une Communauté de défense avec une capacité militaire européenne crédible mais centrée sur la dissuasion en limitant les interventions hors des frontières.
Il faut renforcer le renseignement, la lutte contre cybercriminalité et le terrorisme, mais aussi arrêter le gaspillage en renforçant l’efficacité et en mutualisant et standardisant les achats militaires. Une armée nationale de métier n’a plus de raison d’être, il faut la reconvertir dans des unités Européennes intégrées, mais ce projet doit rester fondamentalement anti-impérialiste (refus de dominer d’autres nations).
Sans Budget propre, l’UE ne peut agir !
Il est indispensable de créer une véritable union politique et économique aux côtés d’une union monétaire existante.
L’Europe doit pouvoir fonctionner en toute indépendance financière. Le budget européen a donc besoin d’un trésor dont les recettes seraient issues d’un impôt européen prélevé sur la TVA. De même, l’euro a besoin d’un fonds d’investissement et de stabilisation capable non seulement de répondre aux crises mais aussi de remplir sa mission.
Il faut assigner une mission de croissance basée sur les investissements stratégiques dans des secteurs renforçant sa puissance économique (transports), durabilité, solidarité (secteur social, éducation, recherche) et sécurité (criminalité, terrorisme, défense) avec une vision stratégique sectorielle à long terme pour l’Europe.
Il faut un véritable gouvernement sous la direction d’un ministre européen des finances chargé d’administrer le trésor, de percevoir les impôts, de lancer les emprunts autorisés (euro-obligations), et de gérer la dette européenne.
Enfin, une politique de convergence économique est indispensable particulièrement dans le domaine social (retraite, salaire minimum, contrôle soins santé) avec une harmonisation fiscale.
Jeunes, jeunes, jeunes : L’Europe a besoin de vous !
L’Europe a besoin de nouveaux leaders. Il faut expliquer l’Europe aux jeunes et les motiver, lutter contre le nationalisme et le repli sur soi mais aussi contre l’europhobie et la désinformation.
