HISTOIRE DU FESTIN
Au cours du dernier tiers du XVIe siècle, la ville de Lessines a été
assiégée par des troupes militaires. Grâce à la Compagnie de la Jeunesse,
composée de célibataires à la tête de laquelle se trouve le capitaine Sébastien
de Tramasure, les Lessinois en sont sortis victorieux. Certain que la victoire
est due à l’intercession de la Vierge dont une statue surmontait la Porte d’Ogy
et que priait la population durant ces combats, Tramasure lui remettra son épée
en forme d’ex-voto. Depuis cette époque, Notre-Dame est connue sous le vocable
de Notre-Dame de la Porte d’Ogy…
Depuis lors, en mémoire de ce glorieux fait d’arme, une commémoration
dont les premières traces remontent à 1591 a lieu chaque année à Lessines.
Elle donna naissance aux actuelles fêtes du Festin.
Contexte
historique
Dès le début du seizième siècle, l’empereur Charles Quint avait réuni
sous son sceptre les Dix-Sept Provinces des Pays-Bas, comprenant la Belgique et
les Pays-Bas actuels.
En 1555, son fils Philippe II – par ailleurs comte de Hainaut – lui
avait succédé à la tête d’un empire sur lequel le soleil ne se couchait jamais…
Le souverain était aussi impopulaire chez nous que n’avait été aimé son père,
le grand empereur.
Dans ce contexte difficile, en 1576, les Etats Généraux des XVII
Provinces prennent en mains le gouvernement des Pays-Bas, les pacifient et en
expulsent les Espagnols. Les Etats rétablissent aussi les privilèges qu’avait
supprimés Philippe II. Celui-ci avait envoyé un Gouverneur général : Don
Juan d’Autriche. Mais le fils naturel de Charles-Quint ne parvenait pas à
s’imposer.
En 1578, les Etats Généraux choisissent l’archiduc Mathias d’Autriche en
lieu et place de Don Juan. Mathias a 21 ans, est le fils de Maximilien II et
petit-fils de Charles-Quint. Entretemps, Don Juan reçoit des renforts de Philippe
II dont fait partie le régiment du baron de Montigny – Emmanuel de Lalaing –
frère du grand bailli de Hainaut, le comte de Lalaing.
Le climat d’agitation permanente qui régnait donc ainsi dans nos
provinces était encore renforcé par les troubles qui déchiraient alors les
chrétiens d’Europe occidentale, en raison des différentes réformes initiées par
le courant protestant. S’ensuivaient de fréquentes incursions de troupes de
mercenaires qui pillaient et brûlaient villes et campagnes.
Lessines en
1578
En mars 1578, Lessines est occupée par une troupe constituée de
hollandais et provenant de l’armée des Etats Généraux. En effet, on craint que
les Espagnols ne reviennent dans les Flandres, passant de ce fait par Lessines.
Ce régiment ne restera pas dans la ville.
A travers les comptes de la Massarderie de 1578-1579, on décrypte un
processus qui donnera naissance à la tradition du Festin.
En effet, le 6 novembre 1578, une compagnie du régiment de Montigny,
sous le commandement du capitaine Jean Quintin se présente devant les murailles
de Lessines. Il demande que lui soient ouvertes les portes de la ville. Les
échevins refusent, forts de l’exemption d’abriter des troupes obtenue quelques
temps auparavant de l’archiduc Mathias. Furieux, Quintin menace la cité d’un
assaut ! Le Magistrat lessinois prévient le grand bailli qui demeure bien
entendu silencieux.
Le mardi 13 novembre, vers les 11 heures du soir, Quintin et sa
compagnie, forte de quelques 6 à 700 arquebusiers et de 100 ou 200 mousquetaires
(mousquets) tente d’entrer de force dans Lessines. Il incendie la porte d’Ancre
(ou de Grammont) qui résiste aux flammes (les portes et ponts-levis ont été
renouvelés peu avant le siège) et descend vers la porte de Pierre devant
laquelle il met le siège. Il en profite pour piller le faubourg extra muros qui
s’étend déjà à cet endroit à l’époque.
Lessines compte moins de 900 hommes valides mais des habitants des
villages voisins viendront prêter main forte aux assiégés.
Vers 4 heures du matin, le 14 novembre, le Magistrat décide de jouer son
va-tout : la Compagnie de la jeunesse, exclusivement constituée d’hommes jeunes
et célibataires placés sous le commandement de Sébastien de Tramasure,
sortira par la porte d’Ogy demeurée intacte, pour prendre l’ennemi à revers à
la porte de Pierre. Les jeunes hommes contournent la ville par le nord car
incontournable par le sud, les ponts ayant été supprimés de ce côté de la cité
en vue de troubles potentiels.
Tout occupés à tenter de saper la porte de Pierre mais aussi à piller le
faubourg, les hommes de Quintin sont surpris par la réaction des Lessinois et
leur subite sortie : ils fuient ! La victoire est acquise, le siège
n’aura finalement duré que l’espace de cinq heures.
Le 14 novembre au matin, l’échevin Jean le Jeune et Jean de Halluin sont
dépêchés à Anvers pour signaler les faits à l’archiduc Mathias qui félicitera
les Lessinois pour leur « Bonne garde et victoire remportée ».
Le 19 novembre, une lettre d’excuses sera envoyée au grand bailli de
Hainaut – il ne faut pas oublier qu’il est le frère du baron de Montigny dont
est extrait le régiment qui vient de causer tant de désagréments aux Lessinois
– qui n’insistera pas. L’affaire est close.
Entretemps, les Lessinois et leurs renforts villageois fêtent la
victoire dans les auberges et hôtelleries de la ville : les frais seront
réglés par les autorités communales.
Origine des
festivités
A l’issue du siège, Tramasure remettra son épée à la Vierge qui orne la
porte d’Ogy par laquelle il est sorti avec le Compagnie de la jeunesse ;
par la suite, elle sera connue sous le vocable de Notre-Dame de la Porte d’Ogy.
La victoire lui est en effet attribuée : au-delà du miracle difficile à
prouver – c’est là question de croyance – il ne faut pas oublier que nos
régions se doivent de se positionner du côté catholique ou protestant :
Lessines semble avoir voulu prouver son allégeance au Pape et l’attribution de
la victoire à l’intercession mariale peut être envisagée comme un rattrapage
religieux.
La commémoration officielle de la victoire ne débutera toutefois pas
l’année suivante, du moins pas ouvertement. En effet, le frère du baron de
Montigny demeure grand bailli du Hainaut jusqu’à ce qu’il décède. C’est alors
Emmanuel de Lalaing lui-même – le fameux baron de Montigny – qui lui
succède ! Il était donc impossible de fêter la victoire de 1578 sur une
partie de ses troupes, sans lui déplaire !
Le grand bailli décède le 27 décembre 1590 et en août 1591 a lieu la
première procession solennelle de commémoration de l’assaut de 1578.
Auparavant, signe d’une forme de célébration feutrée des faits, la Société
lessinoise de réthorique de Madame Sainte-Rose avait déjà joué, fin août 1588
« La Destruction de la Ville de Jérusalem », allusion réservée à la
victoire de 1578 mais aussi, en août 1590, « Le Jour de l’Assault et
Victoire contre les Gueux », signe évident que la tradition était belle et
bien présente. Le fait de jouer une pièce fin aôut à Lessines, sur la
Grand’Place était destiné à réjouir les habitants mais aussi d’attirer les
étrangers en ville afin de faire vivre le commerce.
Dès le début des années 1590, la commémoration de la victoire prendra la
forme d’une grand-messe solennelle en l’église Saint-Pierre et d’une procession
d’accompagnement de l’image de Notre-Dame à laquelle prenaient part les
autorités civiles et religieuses, les diverses sociétés et confréries de la
ville ainsi que toute la population.
Rapidement, des sociétés extérieures à la ville seront invitées à
participer à la procession. Ainsi, les comptes de la massarderie font état, dès
1598, de dépenses occasionnées par l’accueil de divers groupes venus des
environs pour rehausser cet événement: confréries de Saint-Sébastien de
Grammont et de Bois-de Lessines, Archers du Grand Serment de Flobecq… La
Compagnie de Madame Sainte-Dorothée, autre société de réthorique locale, est
également payée «pour avoir jouet la IIIIe semaine du mois daougst par
ung mercredi après la procession d’Ath certaine histoire en commémoration de la
victoire obtenue contre les ennemis de Dieu et de sa majesté pensant surprendre
et eschellier ladite ville en l’an 1583 ».
POUR EN SAVOIR PLUS https://www.festin.be/